Évaluation de la langue
Trucs pour le personnel enseignant
La correction du français dans les travaux
La correction de la langue dans les travaux représente parfois un casse-tête. Le Dépanneur linguistique propose une série de questions et de réponses pour aider le personnel enseignant (ou quiconque aura à corriger des travaux!) à mieux évaluer la maitrise du français des élèves.
1. Doit-on vraiment toujours corriger le français dans les travaux?
Oui. La Politique institutionnelle d’évaluation des apprentissages de la plupart des cégeps (et notamment celle du Cégep Marie-Victorin) prévoit que, dans les productions écrites, la correction du français est obligatoire. À moins d’activation particulière de certains règlements, cette correction constitue une pénalité jusqu’à concurrence de 10 % de la note.
2. J’enseigne dans une discipline autre que le français. Pourquoi devrais-je corriger le français, qui est une matière que je n’aborde pas dans mes cours?
Quelle que soit la discipline dans laquelle vous enseignez, la langue (orale et écrite) est le matériau à travers lequel vous transmettez le contenu de votre cours. C’est également, très souvent, le matériau que les étudiants et étudiantes utilisent pour témoigner de leur compréhension des contenus abordés dans votre cours, notamment à travers les évaluations écrites, extrêmement fréquentes à l’enseignement supérieur.
Cela veut donc dire que, dans une certaine mesure, vous enseignez le français à vos élèves : le français propre à votre discipline.
La correction du français est donc la manière par laquelle vous pouvez intervenir (sans faire un enseignement explicite de la langue) afin que vos élèves puissent s’améliorer en français et, ce faisant, s’améliorer dans votre cours également, car ils et elles rédigeront de meilleurs travaux et de meilleurs examens, et comprendront mieux les contenus enseignés et les lectures.
De plus, des études ont montré que, lorsqu’un ou une prof rehausse ses exigences en langue, cela entraine une amélioration des performances linguistiques des étudiants et des étudiantes.
Finalement, la correction de la langue transmet également aux étudiants et aux étudiantes le message qu’il est nécessaire, dans les études supérieures, d’utiliser une langue soignée, qui permet l’expression nuancée d’idées complexes et rend compte du professionnalisme avec lequel une production a été faite.
3. Comment puis-je indiquer les erreurs de français sur les copies que je corrige?
La Politique institutionnelle d’évaluation des apprentissages de la plupart des cégeps (et notamment au Cégep Marie-Victorin) prévoit que le prof signale les fautes de français dans les travaux et les examens. Pour ce faire, vous avez le choix entre plusieurs méthodes qui vont de laisser des traces simples à la réécriture. Pour mieux connaitre ces approches, cliquez sur le bouton « En savoir plus ».
a) Les traces
La façon la plus répandue de signaler les fautes de français est celle qui consiste à laisser des traces sur la copie que l’on corrige (portions de mots encerclées ou soulignées, phrase soulignée, flèches, point d’interrogation dans la marge, trait sur un paragraphe, vague sous un mot, etc.). Cette méthode permet à la personne qui corrige de réagir avec son crayon rouge au fil de sa lecture. Elle est intuitive et relativement rapide.
Elle a cependant pour désavantage de ne pas toujours être aussi claire qu’on le pense. Il importe donc de définir auprès des étudiants et des étudiantes, au début de la session, la signification des différentes traces qu’on utilisera. Il faut aussi veiller à avoir une certaine constance afin qu’un même message ne soit pas transmis à travers une variété de traces, ce qui peut entrainer de la confusion.
Surtout, cette méthode ne guide pas vraiment les élèves vers des pistes d’amélioration. Certes, elle permet à la personne corrigée de savoir en un coup d’œil (selon qu’il y a plus ou moins de rouge sur sa copie!) si sa compétence à l’écrit est suffisante ou si elle doit être améliorée. Elle ne lui fournit cependant aucune rétroaction qui lui permettrait de voir quelles sont ses forces et ses faiblesses afin qu’elle sache ce qu’elle doit travailler pour s’améliorer. Cet aspect est d’autant plus important que les contenus grammaticaux ne sont pas enseignés dans la plupart des cours collégiaux; c’est l’élève qui doit faire des démarches pour s’améliorer (par exemple, en allant au centre d’aide). Une manière simple de pallier cela est de fournir des « prescriptions » aux élèves les plus faibles que vous corrigez. Vous pouvez, par exemple, remplir un petit mémo comme celui-ci que vous agraferez à la copie corrigée :
Voir : Exemple de mémos à agrafer aux travaux - PDF
b) La réécriture
Une autre façon dont on peut indiquer les erreurs de langue dans une copie que l’on corrige est la reformulation. Dans cette méthode, la personne qui corrige écrit le mot bien orthographié au-dessus du mot fautif, ou alors elle biffe une phrase mal tournée et la reformule dans la marge.
Cette méthode demande beaucoup de temps. Elle n’est pas non plus la plus efficace : certes, l’élève comprend ce qui aurait dû être écrit sans qu’aucune ambiguïté ne subsiste, mais il n’apprend pas pour autant comment arriver à cet accord ou à cette tournure de phrase. Comme elle n’apporte pas de rétroaction claire à l’élève et qu’elle prend un temps précieux de correction, nous ne recommandons pas cette méthode, sauf pour un seul groupe d’élèves, qui peut en tirer profit plus que les autres : les allophones. Comme le français n’est pas leur langue première, ils, elles profitent du modelage réalisé par la reformulation.
c) Le code de correction
Il s’agit ici d’ajouter une étape à la correction par traces évoquée plus tôt, soit celle de coder chaque erreur. On peut le faire au-dessus du mot fautif ou dans la marge.
Pour qu’il soit efficace et que son utilisation par la personne qui corrige ne soit pas trop lourde, il faut que le code soit simple; idéalement, il ne comprendra que cinq ou six symboles. Ceux-ci auront été dument présentés aux élèves en début de session (dans le plan de cours, par exemple).
L’utilisation d’un code peut rebuter au début; il faut faire au moins une pile de copies afin de se l’approprier. Cette méthode a l’avantage de donner à l’élève la rétroaction la plus complète, de la manière la plus directe possible, sans trop alourdir la correction. Elle favorise le questionnement de l’élève et lie la réception de sa copie corrigée à un acte d’autocorrection.
Vous songez à utiliser un code de correction? Le Dépanneur linguistique, en toute modestie, vous propose ce code de correction.
4. Pénaliser selon le nombre d’erreurs dans une copie est la façon la plus simple et la plus équitable d’évaluer le français, non?
Non, pas toujours.
Indiquer les erreurs, en faire le décompte et associer une valeur à chacune (par exemple, 0,5 point par faute) est la méthode la plus répandue d’évaluer la langue. C’est sans doute la plus traditionnelle, aussi. Mais elle n’est pas si simple.
En effet, comment calculer ce qu’est « une faute »? Quand un élève a erré dans une cascade d’accords (il écrit par exemple : de joli cadeau bien emballé), a-t-il commis une erreur (le groupe du nom doit être au masculin pluriel) ou trois (il faudrait un s à joli et emballé, et un x à cadeau)? Quand il fait une faute d’orthographe dans un mot qu’il répète dans un texte, doit-on le pénaliser à chaque itération du mot? Pénalise-t-on pour un mot bien écrit, mais mal choisi?
Déterminer comment pénaliser chacun de ces éléments demande réflexion, et il est à peu près certain que deux correcteurs différents ne procéderont pas de la même façon. Il en résulte donc que, même si le calcul du nombre d’erreurs peut paraitre un processus très rigoureux, dans les faits, il peut entrainer des écarts selon la personne qui corrige.
En outre, cette manière de faire pénalise les élèves qui ont écrit plus de mots (et qui ont donc, statistiquement, plus de risques de commettre des erreurs). Les élèves en sont d’ailleurs bien conscients; certaines personnes avouent écrire des réponses très succinctes dans certaines évaluations pour éviter de perdre des points pour la langue (en prenant le risque de répondre d’une manière moins complète à la question)…
D’autres méthodes d’évaluer la langue existent, qui peuvent contourner certains de ces désavantages.
a) Correction de la langue à l’aide d’une grille à échelle qualitative
Une grille à échelle qualitative est un outil de correction fort simple, qui permet de donner rapidement une rétroaction claire à l’élève. Cette méthode de correction est particulièrement pertinente quand il s’agit de corriger des textes de longueurs ou de formes variées (par exemple, un journal de bord, un examen de connaissances, etc.). Elle ne peut cependant être utilisée pour des textes très courts, qui ne permettent pas à la personne qui évalue de se faire une idée juste du degré de compétence du scripteur qu’il corrige.
Voir : Exemple de grille qualitative - PDF
Les grilles qualitatives constituent de bons outils de correction dans la mesure où elles comptent un nombre pair de colonnes. La nature humaine étant ce qu’elle est, une grille composée d’un nombre impair de colonnes (par exemple : « le français écrit est excellent », « le français écrit est correct » et « le français écrit est faible ») incite la personne qui corrige à trop souvent choisir la colonne du centre. Dans cette grille à quatre colonnes, on pourrait placer dans les extrémités les travaux exemplaires. À gauche complètement, on classerait un travail excellent, qui montre que l’étudiant ou l’étudiante se situe nettement au-dessus de la moyenne. À l’extrémité droite, on trouve les travaux dont la langue est si mal maitrisée que la compréhension des idées en est affectée. C’est dans les deux colonnes du centre que se trouve la majorité des travaux.
La grille présentée en exemple propose une modulation : un travail dont « le français écrit est bien » peut se voir accorder de 6 à 8 points. Toutefois, cette modulation n’est pas obligatoire. Un prof pourrait proposer la même grille en quatre colonnes auxquelles seraient rattachées les notes 10, 7, 4 et 0, par exemple.
La grille utilisée pour évaluer la langue peut aussi être plus élaborée et se décliner en critères. Cela permet notamment d’expliciter aux élèves les attentes liées au domaine ou à la discipline. En voici un exemple, pour un rapport de stage. Ici, chaque aspect de la langue a été défini de manière isolée. Il est aussi possible de regrouper certains critères (orthographe, accord et conjugaison, par exemple, ou construction des phrases, ponctuation et structure du texte).
Voir : Exemple de grille qualitative utilisée pour la correction d’un rapport de stage - PDF
Un prof peut, avec une telle grille, surligner ou souligner les affirmations dans chaque colonne qui s’appliquent à la copie corrigée; il donne ensuite une note sur 10 pour la langue, à la lumière des constats de la grille.
b) Correction de la langue par fréquence d’erreurs
Une autre manière de corriger le français qui ne pénalise pas les élèves les plus prolixes est d’établir, pour une copie donnée, la fréquence d’erreurs, soit le nombre d’erreurs par mots. C’est de cette manière, par exemple, que le ministère évalue la maitrise de la langue lors de l’Épreuve uniforme de français.
Pour calculer la fréquence d’erreurs, il convient d’appliquer la formule suivante : il faut diviser le nombre de mots dans le texte corrigé par le nombre de fautes; le résultat est alors exprimé sous la forme d’une une faute à tous les x mots. Ainsi, dans le cas où une personne fait 15 fautes dans un texte de 2000 mots, on calcule qu’elle fait 2000 mots/15 fautes, soit 1 faute à tous les 133 mots.
On établit alors une correspondance entre la fréquence d’erreurs et la note sur 10 que l’on veut accorder pour la langue. Cela peut ressembler à ceci :
Voir : Exemple de pondération pour une correction par fréquence d’erreur - PDF
Une faute par trente mots est le seuil de passation de l’Épreuve uniforme de français que doivent réussir tous les étudiants et les étudiantes du collégial pour obtenir leur DEC; une faute à tous les dix mots est jugée inacceptable au niveau collégial; une faute par cent mots est un excellent résultat.
5. Puis-je utiliser un type de correction de la langue pour certains travaux, et un autre pour les examens, par exemple?
Oui, tout à fait. Les modalités de correction du français relèvent des départements. Ce sont eux qui doivent décider des méthodes de correction qu’ils veulent appliquer. Ils peuvent, par exemple, choisir de corriger les examens et les travaux courts en comptant les fautes et d’utiliser une grille qualitative pour les travaux longs. Ces modalités doivent être également clairement présentées aux étudiants et étudiantes dans les plans de cours.
6. Peut-on corriger la langue dans une évaluation pour laquelle les élèves n’auront pas eu droit à des ouvrages de référence (comme un dictionnaire, par exemple) pendant qu’ils rédigeaient?
Les réponses à certaines questions d’examen se retrouvent facilement dans un dictionnaire; pour cette raison, les profs interdisent à leurs classes de consulter ces ouvrages de référence pendant qu’elles font leur évaluation. Est-il correct, dans ce cas, de corriger la langue écrite de ces examens? Oui, tout à fait. On évitera seulement de pénaliser les erreurs d’orthographe, qu’un coup d’œil au dictionnaire aurait réglées. Mais toutes les autres erreurs (d’accord, de ponctuation, de syntaxe, de vocabulaire) ne dépendent pas de la consultation d’un tel ouvrage de référence et doivent être signalées et évaluées.
7. Je ne suis pas à l’aise avec certaines règles grammaticales; comment puis-je les corriger?
La maitrise de la langue est une compétence comme les autres. Son approfondissement s’inscrit dans une démarche de formation continue, tout comme le développement d’autres aspects de votre enseignement.
Au moment de corriger les textes de vos élèves, signalez les erreurs dont vous ne doutez pas. Dans le doute, abstenez-vous, tout simplement. Il est préférable d’être constant et clair, et de ne pas ajouter de confusion, surtout auprès des élèves les plus faibles.
8. Certaines copies d’élèves qui ne maitrisent pas du tout la langue sont complètement remplies de rouge; est-ce que cette correction peut avoir un effet démotivant?
En effet, certaines copies croulent sous les annotations rouges, et l’élève qui les reçoit peut en être accablé. Dans ce cas, il peut être fort pertinent de lui pointer quelques ressources à sa disposition : ce Dépanneur linguistique et le centre d’aide en français, notamment. Pour nuancer, ne serait-ce qu’un peu, ce diagnostic grammatical brutal, vous pouvez essayer d’écrire aussi quelques commentaires positifs, qui mettent l’accent sur un aspect plus réussi du texte.
La Politique institutionnelle d’évaluation des apprentissages lie trop souvent l’évaluation du français à une pénalité, ce n’est certes pas très motivant. Mais vous pouvez aussi tenter de souligner positivement une utilisation particulièrement judicieuse de la langue, en donnant par exemple des points supplémentaires pour un travail élégamment rédigé, ou pour l’utilisation d’un vocabulaire recherché. Corriger le français n’est pas que punir, cela peut aussi être une occasion de valoriser les personnes évaluées.
Référence :
ROBERGE, Julie et Julie ROBERGE. « Stratégies de correction des productions écrites dans toutes les disciplines », dans LEROUX, Julie-Lyne. Évaluer les compétences au collégial et à l’université : un guide pratique, Montréal, Association québécoise de pédagogie collégiale, 2015, p. 377-414.