2e témoignage d’un étudiant en Travail social en stage au Sénégal
Travail social 2025.03.07

Quatre personnes étudiantes en Travail social réalisent un stage d’intervention de 12 semaines à Dakar, au Sénégal. Les stagiaires rédigeront des articles et partageront leurs observations et leurs expériences personnelles ainsi que les réflexions qui en découlent. Voyez le témoignage de Cédrik Thériault.
Mémoire volée, identités brisées : Du Sénégal aux peuples autochtones, les cicatrices de la colonisation
Étudiant en Travail social, je réalise actuellement mon stage au Sénégal. Cette immersion me permet de mieux comprendre les séquelles persistantes de la colonisation, tant ici qu’au Canada, notamment chez les peuples autochtones. Malgré la distance, les cicatrices laissées par l’histoire coloniale sont étonnamment similaires.
Mon stage au Sénégal m’a permis de saisir cette réalité sous un nouvel angle. Ici, l’empreinte de l’assimilation coloniale se manifeste encore dans de nombreux aspects du quotidien. Par exemple, la marginalisation des langues locales au profit du français, qui demeure la langue officielle et d’enseignement, rappelle la suppression des langues autochtones au Canada. Pourtant, une grande partie de la population ne le parle pas ou pas bien, ce qui crée une confusion entre l’administration, l’éducation et la réalité quotidienne des Sénégalaises et des Sénégalais. Cette réalisation m’a amené à réfléchir sur l’héritage de l’assimilation, par lequel un groupe dominant impose sa culture aux populations locales, souvent au détriment de leurs propres langues et traditions.
Le 4 avril 1960, le Sénégal a obtenu son indépendance après près d’un siècle de colonisation par la France. Malgré cette indépendance, des forces militaires françaises restent encore aujourd’hui présentes sur le territoire. Le nouveau président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a annoncé qu’aucune base militaire étrangère ne resterait au Sénégal après 2025, afin de mettre un terme à ce que beaucoup considèrent comme une forme de contrôle postcolonial.
Au Sénégal, comme dans les pensionnats autochtones du Canada, l’éducation a été un instrument d’assimilation. Les écoles de la République française visaient à déraciner les enfants de leur culture, tout comme les pensionnats autochtones cherchaient à effacer les traditions autochtones afin de les conformer au modèle occidental. Cette dépossession ne concernait pas que les terres, mais aussi les langues, les savoirs et l’identité même des peuples concernés.
Les blessures coloniales ne s’effacent pas avec le temps. Elles se transmettent, génération après génération, sous forme de traumatismes non guéris. L’un des effets les plus marquants est le racisme intériorisé, qui pousse les individus à adopter malgré eux une vision dévalorisante de leur propre culture et de leur identité. Cette perception d’infériorité, consciemment ou inconsciemment ancrée dans les esprits, résulte d’un conditionnement historique qui continue d’entraîner des répercussions profondes sur l’estime de soi et les dynamiques sociales.
La réappropriation culturelle et historique représente une voie essentielle vers la guérison. Restaurer les langues, reconnaître les savoirs traditionnels et valoriser les spiritualités, ne doit pas être perçu comme un retour en arrière, mais comme un fondement nécessaire à un avenir plus juste.
Mon stage au Sénégal m’a permis de saisir cette réalité sous un nouvel angle. Ici, comme au Canada, la réconciliation ne peut se faire sans une reconnaissance sincère des torts passés et une volonté de se réapproprier sa culture et son histoire.

